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Consultant et expert auprès de la Commission des sondages, Pierre Marie Windal écrit des livres satiriques (Dieu n'aime pas les fonctionnaires, Dieu n'aime pas les éditeurs, Les 101 Politichiens) ou parodiques (Le Temple du sommeil), des livres de science-fiction (21984) et des policiers humoristiques (Petits meurtres en famille). Il lui arrive aussi de parler d'histoire (Histoires quantiques) ou de sa propre vie (En attendant la fin).

mercredi 22 mai 2013

Saint-Tin et son ami Lou

Je réagis à un article ou plutôt, au commentaire d'un article d'ActuBD annonçant la sortie le 14 novembre 2008 des « Aventures de Saint-Tin et son ami Lou », une parodie ou pastiche des aventures de Tintin par les éditions du Léopard Démasqué. La série débute par « Le Crado Pince Fort » de Gordon Zola et « Le Vol des 714 Porcineys » de Bob Garcia, bien connu des tintinophiles. Voici ce qu'écrit un internaute :
"C’est franchement pitoyable ce comportement de profiteur. C’est le morpion sur le pubis, le champignon sur le chêne, l’oeuf du coucou, c’est profiter du travail des autres pour essayer dans récolter les graines à moindre frais. Le manque de talent compensé par le manque de scrupule".

Soucieux de respecter la propriété intellectuelle de l'auteur chatouilleux de ce commentaire, je m'abstiens d'en corriger l'orthographe et passe directement à la question de fond : Gordon Zola et ses acolytes pillent-ils le patrimoine littéraire franco-belge, ou font-ils oeuvre de création ? Il ne suffit pas de jeter un oeil aux couvertures (magnifiques) qui pourraient donner aux ayant-droits de Hergé des velléités de poursuite judiciaire, encore faut-il lire les livres pour se faire une opinion fondée de la nature de l'emprunt. En particulier, le Léopard Démasqué manquerait-il de talent ? Pour ceux qui n'ont pas le temps de comparer les deux oeuvres, voici un petit guide de Saint-Tin à l'usage des procéduriers ou des fans de l'un (Hergé) ou l'autre (Gordon Zola), limité aujourd'hui au Crado Pince Fort. Au terme de cette analyse, dont je recommande instamment la lecture au surfeur qui critique plus vite que son ombre, chacun se fera sa propre idée.


L’intrigue


Calquée sur celle d’Hergé : Saint-Tin est fortuitement entraîné sur la piste de trafiquants de drogue marocains par le biais d’un message transmis par un japonais qu’enlèvent trois malfrats.

– Saint-Tin : « SOS. Il faut détruire l’Epeire de Fez. Carla B ».
– Tintin : « Karaboudjan », le nom du cargo où Tintin connaîtra ses premiers ennuis.

Le ton est donné. Avec l’épeire, Gordon Zola parvient à faire à la fois un jeu de mot et une référence à un épisode de Tintin (L'Étoile mystérieuse, où le professeur Calys prend une épeire diadème sur sa lunette d'observation pour une comète monstrueuse). Epeire, araignée, toile d’araignée, bon début pour un réseau de « malfaisants ». Le caractère grivois du jeu de mot (paire de fesses) tranche avec le caractère asexué de Tintin chez Hergé. On est prévenu (implicitement ici, explicitement plus tard), Saint-Tin est sage (sain, saint) dans cet épisode, mais ne le restera peut-être pas toujours : « … la gent féminine n’avait pas encore trouvé grâce à ses yeux … Un concept trop encombrant. Cela viendrait sans doute en son temps … ».

La signature, Carla B : première fausse piste. On découvrira au chapitre 8 qu’il s’agit de Carla Boudjan, une espionne nippo-arménienne (qui donne à Gordon Zola l’occasion d’un jeu de mot facile : « par un ami de mon père ») sur la piste des trafiquants. Carla Boudjan, Karaboudjan, astucieuse façon de relier les deux messages. Pourquoi signer « B » plutôt que « Boudjan », sachant que le but du message est d’être identifié et secouru ? Pas de mystère, Gordon Zola surfe sans vergogne sur la notoriété de la première dame de France. Celle de Tintin ne lui suffit pas, il lui faut du « pipole » moderne et d’exception. La pauvre Carla Bruni, guest-star de luxe dont le patronyme n’est jamais cité, fait une brève apparition en forme de clin d’œil au dernier chapitre. Le bras en l’air (comme le sbire d’Alan de Tintin), Le Homard s’apprête à fouetter « la splendide jeune femme » enchaînée (Haddock était à genoux, mains liées à un pieu – trop dur pour la première dame). La présence de Carla Bruni est superfétatoire (ça n'engage que moi), elle sert uniquement de faire-valoir comme le mannequin qu’elle fut. La confusion initiale Boudjan/Bruni est nécessaire à l’intrigue – c’est cette confusion qui conduit Saint-Tin au Maroc après avoir lu un article de journal sur le déplacement des Sarkozy à Fez – mais l’auteur aurait pu faire l’économie de sa présence et se limiter sobrement au procédé du lien fortuit comme embrayeur d’histoire : trafic de fausse monnaie chez Hergé, déplacement présidentiel chez Gordon Zola.


Les personnages
Le Crabe aux pinces d’or, écrit en 1941, est le 9ème album de Tintin, le premier où le capitaine Haddock fait son apparition. Les personnages importants, ceux qui sont nommés ou pèsent sur l’histoire sont : Tintin, Milou, Dupont & Dupond, Haddock, le lieutenant Alan et le trafiquant Ben Salaad. Les autres personnages font de la figuration (la concierge, les acolytes d’Alan, dont Pedro, Herbert Dawes le marin noyé, le serveur du café, le clochard, le policier japonais Bunji Kiraki, le lieutenant Delcourt et ses méharistes) ou n’interviennent que le temps d’une scène drôle (le passager du taxi que Tintin éloigne en prétendant que Milou a la rage).

Chez Gordon Zola, en dehors des personnages principaux (Saint-Tin, Lou, Aiglefin, Yin & Yang, Le Homard (pendant de Alan) et le Rasta populiste (de Rastapopulos, le pendant de Ben Salaad ; notez le clin d’œil : le Rasta descend à l’hôtel sous le nom de Delcourt, le sauveur de Tintin dans le désert), seule l’espionne Carla B est mise en valeur. Les autres personnages passent comme des comètes : les acolytes de Carla B (Hiro Toli, Toro Maschi [Tauromachie], Shung Honory [Sean Connery], Archibald Tringue [bastringue], le valet d’Aiglefin (Haddock se prénommait Archibald), la concierge, Madame Aristos, dont Gordon Zola se sert pour inclure dans son pastiche un rappel raciste (« frisottés », « rastaquouères »), et le professeur Margarine (Tournesol) qui a droit de montrer le bout de son nez deux pages avant la fin.

A notre sens, sur la seule base de ce premier opus, la transposition des personnages est réussie, mais inégale : très réussie pour Tintin et Haddock, satisfaisante pour Milou, un peu décevante pour les Dupondt.

Aiglefin. Le nom s’imposait, puisque Aiglefin est la traduction du mot « haddock » en français. Haddock avait passé vingt ans dans la marine marchande, Aiglefin sera éclusier. Le rapport avec l’eau est évident, et avec l’alcool plus encore : éclusier … écluseur. Au passage, on perd en imaginaire : la marine marchande fait rêver, les écluses, beaucoup moins. Il hérite d’ancêtres russes par l’entremise du jeu de mot Moulinsart/Moulin Tsar, héritage opportuniste, mais cohérent avec sa réputation méritée d’ivrogne. Plus de whisky, mais du Spyritus, vodka de fort titrage à base d’herbe de bisons. Plutôt que de moderniser son lexique d’injures, Gordon Zola étoffe le personnage : il jure moins, parle plus et nous gratifie de tirades à la San-Antonio où l’humour procède par accumulation. Comme Haddock, le capitaine Aiglefin sert trois missions : créer des situations cocasses par sa truculence; provoquer des rebondissements, et son penchant pour la boisson en offre de multiples occasions ; humaniser Saint-Tin, par contrepoint. L’un représente la vertu, l’autre le vice. Saint-Tin fait, Aiglefin défait. Tout aussi cabotin et de mauvaise foi qu’Haddock, Aiglefin tire au moins une fois Saint-Tin d’un mauvais pas, justifiant sa présence à ses côtés. Dans le « Crabe d’or », première apparition du capitaine, Hergé force le trait : Haddock est un ivrogne qui dessert Tintin plus souvent qu’il ne le sert, et dont le seul courage se limite à la défense de ses chères bouteilles. Prenant le train en marche, Gordon Zola en fait davantage un alcoolique qu’un ivrogne.

Lou. Milou … Ami Lou, bien joué. A priori, le choix d’un perroquet pour remplacer Milou est très astucieux. Milou n’avait pas besoin de parler, on le voyait agir et penser. Dans un livre, on ne montre pas, on décrit, d’où l’intérêt d’un animal doué de parole. On se souviendra d’Alex (cf. Wikipedia), « un perroquet gris étudié pendant plus de 20 ans par une psychologue animalière. Il disposait d'un vocabulaire d'environ 800 mots et semblait comprendre ce qu'il disait. De plus, il avait appris l'alphabet, était capable de compter des objets et de reconnaître sept couleurs différentes. Il semblait en outre capable de comprendre la notion de zéro ». Quelle aubaine ! Et quelle déception : Lou vole moins haut qu’Alex. Volage, pourquoi pas, mais sentencieux, et s’exprimant à tort et à travers comme … un perroquet, rabâchant des clichés éculés, roulant les « r », on est loin de Milou. La faute à qui ? A l’animal, d’abord. Le chien est le meilleur ami de l’homme, mais le perroquet ? Au Moyen Age, c’était un animal empreint de mystère, de superstitions, parfois de malice ou de fourberie. Aujourd’hui encore, les expressions liées au mot « perroquet » ne sont pas toujours flatteuses, comme « parler comme un perroquet » pour répéter sans comprendre ce que l’on dit. Héritage difficile, donc, qui aurait dû être mieux géré en évitant de tomber dans les travers du perroquet. Trop bavard, trop sentencieux, trop adulte. Milou était l’enfant que Tintin n’avait pas ; Lou serait plutôt le compagnon de beuverie de Saint-Tin. Comme Milou (à trois occasions dans le crabe d’Or), Lou se rend utile : il sort Aiglefin de son coffre, il sectionne les liens de Saint-Tin, il happe le couteau du Rasta. On le voudrait juste moins jacasseur, moins caricatural, plus sympathique.

Yin & Yang. Difficile de transposer les Dupondt dont Hergé use et abuse. Symbole de la bêtise et du service public dans ce qu’il a de plus ubuesque – les Dupondt font passer le devoir avant l’amitié – ils sont une source inépuisable de comique de situation. Yin & Yang héritent de la lourde tâche d’être sympathiques et drôles. Si les Dupondt sont de toute évidence des jumeaux homozygotes, Yin & Yang sont hétérozygotes. Deux Dupondt, un seul personnage. Yin et Yang se ressemblent physiquement, mais, comme leur nom l’indique, n’ont pas le même caractère. L’un est lunaire, l’autre solaire. L’eau et le feu, la tristesse et la gaîté. Cette dualité devait être drôle, elle ne l'est pas toujours par excès d’automatisme. Faire dire systématiquement à l’un « blanc » quand l’autre dit « noir » tue le rire. Yin & Yang ont beau se déguiser et jouer aux Dupondt, ils peinent à faire sourire. Les mimiques des seconds nous manquent, car l’humour des Dupondt est très visuel. Souvenez-vous de leur rencontre avec Tintin au début de l’histoire : deux images côte à côte en miroir inversé, main couvrant partiellement la bouche, œil à demi-fermé, tout est dit dans l’image. Le comique vient de l’interchangeabilité de Dupont et Dupond. Yin et Yang ne sont pas interchangeables, mais complémentaires. C’est utile dans la vie, mais beaucoup moins drôle. On sourit des Dupondt à les entendre dire « je dirais même plus ». On sourit moins quand Yang rit et Yin pleure.

Saint-Tin. Personnage lisse et propre sur lui, sans défaut, sympathique, homme d’action et de réflexion, idéaliste intemporel et asexué, Tintin est facilement transposable car il agit beaucoup plus qu’il ne parle. Hergé montre Tintin faisant ci, faisant ça ; Gordon Zola dit que Saint-Tin fait ci, fait ça. Pas de problème avec la langue et le vocabulaire – Tintin s’exprime comme vous et moi – non plus que de prise de tête vestimentaire, une « veste de reporter en lin blanc avec martingale » suffira. Transposition réussie jusqu’au respect des valeurs : Saint-Tin respecte ses ennemis et va, comme Tintin, jusqu’à risquer sa vie pour sauver la leur (scène de l’avion). Le petit reporter a bien traversé le miroir.


L’humour chez Tintin (dans l'album Le Crabe)

Qualité fondatrice de son œuvre avec l’aventure et l’exotisme, l’humour est omniprésent chez Hergé. Les quelques quinze scènes qui structurent la narration du Crabe sont toutes émaillées d’épisodes drôles. Comique de situation, avec les Dupondt et Haddock, parfois Milou, rarement Tintin. Le comique verbal se limite aux noms des personnages (Ben Salaad), aux jurons du capitaine, aux tics verbaux des Dupondt (« je dirais même plus », « botus et mouche cousue »). Au détour d’une phrase, on rit parfois (« Ici Dupond et Dupont, détectives diplômés »). S’agissant d’une bande dessinée, le rire vient du dessin, rarement du texte. Otez les scènes drôles du Crabe, et il ne reste plus que sa carapace, la chair a disparu. L’humour est donc au cœur de la magie de Tintin. Corvéables à merci, les Dupondt sont amusants toujours et en tout : habillement, mimiques, vocabulaire, attitudes, comportements. Humour de répétition basé sur leur gémellité, humour basique (ils se cognent la tête, dégringolent des passerelles, tombent du canot), gestuelle typée, tics langagiers, toujours à côté de la plaque, fétus de paille sur une mer agitée, prompts à s’arroger la paternité du succès des autres. Insupportables et inoffensifs, donc sympathiques. Le spectacle de leur bêtise est jouissif, il nous rassure sur notre propre intelligence. L’humour graphique et verbal d’Hergé est parfois très fin, à en juger par la saynète de la rencontre dans le désert de Tintin et du capitaine avec le lieutenant Delcourt. En quatre vignettes, on voit le visage du capitaine virer de la joie (arrivée du whisky) à la surprise (Tintin : « Merci, Lieutenant, je ne prends jamais d’alcool »), puis la dénégation (Haddock : « Heuh … n … non, merci, lieutenant, je … moi non plus je … l’alcool, je n’en bois jamais … ») et la résignation à la vue du lieutenant qui remplit son verre, et tout cela avec une économie de moyens digne de Reiser. Parfois, on sourit par anticipation, comme lorsqu’un « brave » matelot du Karaboudjan fait part au terrible Alan de sa découverte : « Dites, lieutenant, c’est rigolo ! Un des grands canots a disparu… ». Les poings serrés, Alan vient juste de tabasser trois de ses matelots (comique de répétition). On imagine la suite … L’humour d’Hergé n’est jamais gratuit, ou rarement, il sert l’action et permet de passer plaisamment d’une scène à l’autre, sans raccords ni coutures voyants. De l’action naît l’humour, et non l’inverse. Humour naturel, jamais forcé, épice, condiment, humour qui souligne un trait de caractère, humour qui fait de Tintin, héros superhumain, un être aimable.

L’humour chez Saint-Tin

Le Roi est nu : impossible de plagier l’humour graphique d’Hergé, à base de comique de situation. Reprendre des scènes, distiller des clins d’œil, transposer les personnages, oui ; Gordon Zola ne s’en prive pas, c’est la loi du genre. Hergé a de l’humour, Gordon Zola est humour. Sous l’humour de Tintin, l’aventure, l’exotisme ; sous celui de Gordon, encore de l’humour. C’est ici que l’on se quitte. D’épice, d’entrée, d’accompagnement, l’humour devient le plat principal, la raison d’être du livre, sa raison de vivre, son ressort. Fidèle à son modus operandi, Gordon Zola part du titre pour filer sa toile. « Le Crado pince fort » : homard au menu et clochard de service. « Moulin Tsar » : origine russe pour Aiglefin, décoration orientale pour le moulin. « Carla Boudjan » : plus japonais, tu meurs ! « Yin & Yang » : les malheureux policiers devront s’accommoder de cette origine opportuniste pour rivaliser avec les franchouillards Dupondt. Chez Gordon Zola, le verbe est roi et tant pis si l’action en souffre, comme lorsque l’espionne japonaise Carla Boudjan, cernée d’ennemis, se met à rire de manière incompréhensible. Carla qui rit, harakiri. Gordon Zola n’hésite pas à se planter un couteau dans le ventre pour un bon mot. Toi qui aimes jouer, toi qui manges le chocolat par tablettes entières et la crème chantilly par litres, sois le bienvenu dans ce temple de la gourmandise verbale. Cela dit, l’animal a du style, un style personnel qui rappelle celui de Frédéric Dard par sa vitalité et son exubérance, mais un Dard plus littéraire. Du Zola, sauce Gordon ! Les jeux de mots faciles ne parviennent pas à ternir cette prose vive et rapide comme un torrent, tourbillonnante, enivrante, parfois lancinante, comme un enfant qui tarde à se poser, mais toujours agréable à l’oreille. A quoi reconnaît-on du Zola ? Inutile de regarder le nom de l’auteur sur la jaquette, l’auteur est « pattu » (il a de la patte, chose courante pour un léopard). Parmi les figures de style qu’il affectionne, citons :

L’ellipse : omission voulue d’au moins un mot dans une phrase. Ici, il faut faire vite, c’est un livre d’action. Exemple : « Se sentait dégrisé d’un coup, le capitaine ! Trop tard ! Plongeon ! Plouf dans la teinture tête la première ». Parfois, l’ellipse injustifiée agace, comme dans le phrasé de la concierge : « N’ont pas laissé le temps de … », « Z’êtes arrivé juste après … ». On a tout notre temps, madame Aristos, y compris celui d’exprimer le sujet.

Accumulation : entassement de plusieurs mots de même nature et de même fonction, souvent de façon désordonnée. Bon sang ne saurait mentir, il y a du Dard dans ce Gordon. Les tirades d’Aiglefin se prêtent à ce procédé truculent qui permet à l’auteur d’exprimer ses idées tout en nourrissant le personnage. Exemple : « Tandis qu’on nous ment, qu’on nous pille, qu’on nous étrille, qu’on nous lapide, qu’on nous lamine, les prébendiers de la politique, eux, se gobergent ! ». Vocabulaire riche (prébendier, se goberger) et multiplication d’effets dans cette accumulation : assonance (retour remarquable de la voyelle « i »), parallélisme. L’auteur se régale, et nous avec.

Détournement : transformation d’une expression de la langue, mais pas au point que le lecteur ne fasse le lien avec la formulation de départ. Base du style gordonzolien, les exemples foisonnent : « Hêtre ou ne pas hêtre », « Cumul de mandales », « horreur et putréfaction », « Au goulot ! », « Privé de désert », « homme en odeur de saleté », « Tout poing, tout donneur », « chamelle ardente », « Le Homard m’a tuer ». Le détournement est toujours justifié dans le contexte : Hêtre ou ne pas hêtre : les frères Yin & Yang sont déguisés en arbre. Dans un livre de Gordon Zola, être un mot n’est pas de tout repos. Il vous habille, vous déshabille, vous prend pour un autre, vous tord dans tous les sens, mieux vaut compter ses voyelles et ses consonnes avant de prendre congé.

Homophonie : association de deux éléments à prononciation identiques, mais de sens différent. Equivoque à l’oral, sans ambiguïté à l’écrit. Gordon Zola joue avec les mots et les sons. Exemple : après avoir neutralisé les malfaiteurs, Saint-Tin et Carla Boudjan s’enfuient avec leur avion. Une performance, quand on se rappellera qu’il a perdu ses ailes dans la bagarre. Invités à se joindre à eux, les malfaiteurs s’inquiètent : « Vous n’allez tout de même pas décoller sans ailes ! ». A quoi Saint-Tin répond : « Bien sûr que non, il n’allait pas partir sans elle … ».

Allitération : retour voulu d’au moins une consonne. Mais si, vous savez ce que c’est : « De qui sont ces serpents qui sifflent sous nos têtes ». On en trouve à foison chez cet auteur sonore : « le malheur m’écœure », « faux violents, vrais violeurs », « première dame, premier drame », « oiseau de proie qui passe et rapace ». Pour cette dernière, l’allitération est le prétexte du jeu de mots.

Allusion : dire une chose avec l’intention de faire penser en même temps à une autre. Auteur généreux et cultivé, Gordon Zola vous en donne deux pour le prix d’un. Exemples : « Que tous les boulangers aillent se suicider sur la tombe de leur maîtresse », allusion au destin tragique du général Boulanger. Parlant d’un clochard et de ses « aisselles mercenaires », allusion au film Les 7 Mercenaires. « Il était une fois dans l’Oued », impossible à manquer dans une histoire qui se passe au Maroc. « Homard, c’était le petit Pince, dessine-moi un mouton que je l’égorge ». Deux pour le prix d’un, je vous dis !

Hypallage : attribuer à un mot ce qui convient logiquement à un autre mot de la même phrase. Comme Frédéric Dard en son temps, Gordon Zola ne désespère pas d’entrer un jour à l’Académie Française, d’où cette précaution, glisser ici et là quelques hypallages gallimardesques, comme dans « narines dédaigneuses ». Ça ne mange pas de pain et ça peut rapporter gros.

Zeugme : rattacher à un même mot des éléments en principe inconciliables, en raison du sens ou de la construction. Attention : dans mes livres, le zeugme est une figure de style ; dans les vôtres, c’est une faute de grammaire. Le zeugme est à l’écrivain ce que la cigarette est à l’adolescent : une transgression. Gordon Zola est un grand adolescent : « Les cuves dégageaient une flagrance âcre, presque insupportable … A l’intérieur d’icelles, les tanneurs plongeaient leur peaux et parfois l’y laissaient ». Plus loin : « Le vilain accusa plus la surprise que le coup ». Encore plus loin, à propos de Carla B., la vraie : « Ses belles jambes fuselées … pliaient sous le double poids de l’incompréhension et de la crainte du coup ».

L’anaphore (anaphore toi-même !) : reprise d’un mot en tête d’au moins deux propositions. Le but, c’est de marteler une émotion ou une image pour qu’elle frappe l’esprit. Exemple : Saint-Tin se réveille prisonnier d’une source, de l’eau jusqu’au cou. Comme son homologue Tintin, il passe son temps à se faire assommer : « Des bêtes, des sales bêtes avec des dents ! Ça glissait entre ses jambes, ça filait, ça revenait, ça gluait, c’était gluant, c’était long, c’était froid, c’était nombreux … ça faisait peur ! ». Anaphore d’école !

Double-sens. Ce que nos amis anglais appellent curieusement « double entendre » en s’imaginant que les français comprennent ce barbarisme : faire entendre simultanément deux sens du même mot ou de la même expression. Deux sens, c’est un minimum pour Gordon. Exemples : « Saint-Tin s’approcha lentement du sinistre et des sinistres ». Plus loin, Yin, déguisé en clochard malodorant : « l’agent sortit une chemise propre de dessous sa chemise sale et l’ouvrit ». Et juste avant : « les deux sbires s’étaient fait la panoplie complète avec semelles faisandées, arrosés avec Ipua, le parfum des stars qu’on ne peut pas sentir ! C’était le bouquet ! » Deux doubles-sens dans la même phrase : « sentir » et « bouquet ».

Faut-il continuer, buter sur les redoublements C’était long, long, mais long »), débusquer les métonymiespremière dame de France »), traquer les métaphoresUne voix de femme, douce, ténue … de l’oiseau fragile »), rire aux néologismesla béat-attitude »), applaudir les approximationsLou dans la bergerie »), allitérer jusqu’à plus soif (« il avançait lentement, pesamment, imprimant … » ou encore « corps bondissant, comme celui de Tasmanie, dans une boîte de sales manies ») ? A ceux qui en douteraient encore, faut-il rappeler que Gordon Zola sait écrire ? Ecrire, et rire, comme l’atteste ce florilège de bons mots :

Pantalon sage qui se tient à carreaux.
– Vinasseur à outre rance.
– Avec épreuves à l’appui.
– L’amer … pas eu la main morte.
– Blason redoré à l’air fin.
– Nouvelles du front … plissées.
– Gorgeon de la Baltique.
– Maghreb canard.
– Nuages striés sur le violet.
– Compote de pomme d’Adam.
– En plein dans l’œil de larynx.
– Homard s’enfuit à pinces.
– Destin pas toujours grêle.
– Bourrelé de remords.
– Dételèrent comme des lapins de Varenne.
Parlant du Rasta populiste : là où les locks naissent.

Les clins d’oeil
Pratiques ces clins d’œil inscrits au cahier des charges de ce « nouveau concept » ! D’une pierre, deux coups : hommage au Maître et boîte à idées en cas de panne d’imagination. Clin d’œil ou main dans le sac ? Tout dépend de l’importance de l’emprunt. Le clin d’œil est méritoire et passera le plus souvent inaperçu. Qui, sinon les tintinophiles avertis, verra dans le numéro de chambre de Saint-Tin – CN 3411 – le numéro d’identification de l’avion qui pourchassait Tintin et Haddock ? Et le matou de la mère Herbert, chez Saint-Tin ? Herbert ? Une parente d’Herbert Dawes, je suppose, le marin noyé du Karaboudjan. Et Dédé Dupont, le barman du café des Spots ? Rien à voir avec le café des Sports où les Dupondt avaient coutume de se rafraîchir. La rue des Fox-Terriers- Blancs où Saint-Tin habite ? Oui, ça me dit quelque chose, nom d’un chien ! Et la concierge de Tintin qui confond Chinois et Japonais, guère mieux que madame Aristos et ses Tibétains Coréens. Les morts ? Overdose d’alcool chez l’un, d’héroïne chez l’autre. Attention aux caisses de sardines et aux blocs de pierre qui descendent du ciel. Merci les mouettes, merci les cigognes. Pourquoi Saint-Tin n’écrirait-il pas un article sur les crabes réputés du Maroc (pour leurs pinces d’or) ? Et la sonnerie du portable de Saint-Tin : « Prenez gaaarde, la dame blan-anche vous regaaaarde ! » ? Typiquement le genre d’air d’opéra que chanterait Tintin s’il était saoul. Le Moulin Tsar ? C’est pas du côté de Cheverny ? Belle forêt, beau château ! Petit vin qui aime, petit vingtième. Tintin tire juste, Saint-Tin aussi, mais pas seulement sur le câble d’allumage de l’avion : « Faudra autre chose que du fil de fer pour rabibocher tout ça ». Milou a ses admirateurs, Lou aussi : un os pour le premier, des pistaches pour le second. Lou connaît ses classiques : son « gros plein de soupe » me casse l’oreille (« L’Oreille Cassée »). Aiglefin aussi, qui parle du « pays de la soif ». Carla Boudjan et Karaboudjan, le Rasta populiste et Delcourt, tous ces clins d’œil ravissent le spécialiste et feront plus tard, si le succès est au rendez-vous, l’objet d’exégèses. Après les clins d’œil, les scènes : les Dupondt déguisés sont éjectés de la mosquée ; Yin & Yang déguisés se font jeter de l’hôtel. Les Dupondt tombent du canot ? Yin & Yang dégringolent du dromadaire. Les Dupondt résolvent brillamment l’énigme (trafic de fausse monnaie), Yin & Yang aussi (filière d’éradication de clochards japonais). Le chevaleresque Tintin sauve les bandits de l’avion d’une mort atroce, au grand dam du capitaine; Le non moins chevaleresque Saint-Tin épargne également ses poursuivants, au grand dam de Carla. Japonais et clochards se font enlever. Les Dupondt et Yin & Yang ne cessent de se déguiser. Haddock et Aiglefin s’entendent comme larrons en foire pour faire fuir à eux-seuls une armée d’assaillants, avec juste un petit coup de pouce de la cavalerie. Milou et Lou se livrent à des concours de grignotage de liens. Le premier force les portes, le second bricole les serrures de coffre. Haut-les-mains par ci, haut-les-mains par là. Comble de chance, son canot (méhari) est plus rapide que le sien. Qui d’Haddock ou d’Aiglefin cache le mieux ses bouteilles de whisky (Spyritus) ? N’en jetez plus, j’ai l’œil qui dévisse.


En guise de conclusion sur Le Crabe Aux Pinces D’Or/Le Crado Pince Fort.

Une nouvelle œuvre, un nouveau concept, une nouvelle raison de rire ? Qu’en penserait Hergé ? Gordon Zola fait-il œuvre de création littéraire ou pille-t-il sans vergogne un patrimoine national ? Nouveau concept, pas vraiment, le pastiche est vieux comme le monde. Ce qui est nouveau, c’est son caractère industriel. On ne pastiche (parodie) pas un livre, mais une œuvre. La saga d’Hergé aura duré près de 40 ans, Gordon Zola et ses acolytes comptent en faire le tour en deux années. En relisant l’album d’Hergé, puis le livre de Gordon Zola, et encore l’un, et encore l’autre, je ne peux m’empêcher d’admirer le premier et de souhaiter bonne chance au second. Un livre est aussi loin d’une bande dessinée que la peinture peut l’être de la musique. On ne ressent pas les mêmes émotions, même si l’intrigue, les personnages, la narration présentent un grand nombre de similarités. Le Crado Pince Fort est plus proche de la série des Suitaume, la saga policière de Gordon Zola, que du Crabe aux Pinces d’Or. Le style transcende l’intrigue et les personnages, il donne à l’œuvre d’art son identité propre. Les nostalgiques purs et durs d’Hergé seront déçus. La dépouille du crabe sur la plage n’est que le pâle reflet de ce que fut l’animal de son vivant. Il manque les images, le beige de la chambre de Tintin, le gris des soutes du navire, le vert de la mer, le jaune du désert, le noir du costume des Dupondt, leur moustache frétillante, leurs mimiques, et ces quelques traits de crayon au-dessus des visages qui en disent plus long que mille mots, et plus vite. Les amateurs de Gordon Zola seront ravis. Saint-Tin ou Suitaume, même combat, même effervescence. J’ai hâte de lire « Le Vol des 714 Porcineys ». Mais avant, il me faut lire (je ne l’ai jamais lu) « Vol 714 pour Sydney ».

Pierre Marie Windal

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L'historiette du jour (Loch Ness)

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Le monde (im)pitoyable de l'édition

Vendredi 9 février 2007

Deux acteurs de la chaîne économique des livres - le diffuseur et le distributeur - confisquent une marge injustifiée par leur valeur ajoutée. C'est pour cette raison que les grandes maisons d'édition (grandes par la taille) ont créé leur propre réseau. Cette solution n'est hélas pas à la portée des éditeurs indépendants. Il leur reste au moins deux solutions : unir leurs forces pour peser sur le diffuseur ou, mieux, le court-circuiter en assurant leur propre diffusion. Les agriculteurs commencent à le faire, pourquoi pas les éditeurs de livres ? C'est une stratégie à long terme, un travail de fourmi, mais quand on ne dispose pas du capital suffisant pour "acheter" un media ou imposer sa volonté aux libraires, il faut créer de toutes pièces son propre réseau de partenaires. Quant à l'auteur, à qui l'éditeur indépendant a fait confiance, il comprend vite qu'il est partie prenante de cette rebellion. Soit il participe à l'effort de notoriété en mutipliant les séances de signatures, soit il se trouve un autre éditeur. Quel que soit le chemin emprunté, il faut encourager la diversité d'expression sans laquelle on finira tous par lire le même livre (le mien si possible).

Les 101 Politichiens

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A découvrir le 28 février dans le nouveau roman de politique fictionnelle de Pierre Marie Windal.

La classe politique telle que vous allez la découvrir bientôt.

Vendredi 9 février 2007

Rigoureusement impossible !

Quand on travaille pour une grande entreprise, ce qui est impossible pour vous ne l’est en général par pour votre successeur, comme l’atteste cette navrante histoire. Pendant trois ans, j’ai plaidé pour que les questionnaires de satisfaction que je traitais pour cette vénérable institution soient standardisés, donc susceptibles d’être saisis par lecture optique plutôt que manuellement. Impossible. Rigoureusement impossible. Je vous épargne les causes humaines et techniques de cette impossibilité, mais aujourd’hui, comme par enchantement, suite au grand coup de pied que le nouveau patron n’a pas manqué de donner dans la fourmilière, les fourmis se réveillent et font sauter le verrou pour mon successeur, car, dans mon infortune, à nouveau patron, nouveaux fournisseurs. Pas de problème, la vie, ça va, ça vient. En revanche, quand j’entends mon ancien client vanter la modernité de mon successeur, en particulier cette si sexy saisie optique … je me dis qu’il y a des coups de pied au cul qui se perdent.

Un robot qui a du goût, mais pas beaucoup d'imagination !

Lisabuzz.com parle de Inédits Pas Zidane : Alors là, franchement, c'est du caviar, du web-caviar pour être exact ! Inédits Pas Zidane regorge de traits d'esprit et de perles linguistiques... D'ailleurs, peut-on parler de Blog, alors qu'il s'agit, à n'en pas douter, de grande littérature ? Le Bassin Parisien a enfin trouvé son nouveau Victor Hugo en la personne de Pierre Marie Windal. Ca va être dur de faire mieux. Pourvu que ça dure ! Signé http://blog.lisabuzz.com PLUS LOIN, Lisabuzz.com parle de First step, un blog aux antipodes du mien : Alors là, franchement, c est du caviar, du web-caviar pour être exact ! First step regorge de traits d esprits et de perles linguistiques... D ailleurs, peut-on parler de Blog, alors qu il s agit, à n en pas douter, de grande litterature ? Le Nord Est a enfin trouvé son nouveau Victor Hugo en la personne de Herve schmitt. Ca va être dur de faire mieux. pourvu que ca dure ! signé http://blog.lisabuzz.com

Vendredi 9 février 2007

Ce qui dérange la gauche ...

Ce qui dérange la gauche chez Sarkozy, ce n’est pas tant sa main tendue vers les électeurs de Le Pen - après tout, ce sont des hommes, eux aussi - que la main dans la figure qu’ils prennent chaque fois que Sarkozy rappelle les principes qui sous-tendent son discours, son programme et, si la majorité des votants le veulent en mai, son action. Pour Sarkozy, chacun est maître de son destin, pour peu qu’il se bouge un peu. Intolérable pour un homme de gauche, pour qui les difficultés de la vie ont forcément une cause première extérieure à l’individu : les riches, les patrons, la politique de droite … Pour ma part, je constate que la gauche ne s’intéresse pas à toutes les inégalités, même les plus criantes : les privilèges des régimes spéciaux, les intermittents à temps plein du spectacle, les conditions de travail de certains métiers (distribution, restauration), la gabegie des deniers publics (à Paris : 30000 euros de subventions pour étudier la vie des tortues de Floride). Quand on veut vraiment servir le public, on va dans le privé, et quand on aime son prochain, on vote à droite. Attendez, je mets mon casque …

Mercredi 7 février 2007

Bravo Sarko!

Sur TF1, je bois du petit lait : Sarkozy ose parler d’équité et de régimes spéciaux. Depuis 50 ans, personne n’a osé y toucher. En revanche, il glisse rapidement sur les avantages consentis aux ministres (logement de fonction) et députés (prêt à taux 0%), en précisant que ce prêt n’est consenti qu’une seule fois. Nous voilà rassurés ! Quant aux ministres, on doit pouvoir les joindre à toute heure du jour et de la nuit. Pourquoi les joindrait-on mieux dans un logement de fonction que dans un logement dont ils paieraient comme nous le loyer ? Mystère. La politique, c’est magique.

Vendredi 2 février 2007

Pauvres dindes

La grippe aviaire aurait tué 2500 dindes en Grande-Bretagne. Espérons que la Famille Royale ait été épargnée !

Vendredi 2 février 2007

Vive Charlie Hebdo !

Les roses du ciel

7 et 8 février, début du procès des caricatures de Mahomet contre Charlie Hebdo. Qui gouverne, en France : les mollahs ou les représentants du peuple français ? Condamner le seul journal qui a eu le courage de s'élever contre la tyrannie des islamistes, serait renier notre tradition laïque et chrétienne. Puissent les juges en tenir compte dans leur décision et garantir notre liberté d'expression. Le temps des prophètes est révolu.

Vendredi 2 février 2007

La vérité vraie

Les journalistes passent leur temps à raconter de fausses histoires avec de vraies images. En couverture de l’Express de cette semaine, une photo de Ségolène en madone fatiguée en dessous du gros titre « Tiendra-t-elle ? ». On se demande qui est la poule, qui est l’œuf, du titre et de l’image. Ce chien est enragé, tapons dessus. Une Ségolène souriante, ce qu’elle est le plus souvent, aurait été plus fidèle à la réalité, mais là, on s’écarte du journalisme. Autre exemple, sur Envoyé Spécial, Sarkozy en campagne. Métaphores guerrières de rigueur : machine de guerre, déminer le terrain, piéger l’ennemi, Naboléon et ses maréchaux s’embarquent dans une campagne qui s’arrêtera, je l’espère, à Austerlitz. L’ensemble dégage une impression de force à l’exception d’une image très humaine, celle d’un Sarkozy épuisé qui vole quelques minutes de repos, assis sur une chaise sous un escalier. Pourquoi, se demande-t-on, le journaliste n’a-t-il pas titré : « Tiendra-t-il ? ».

Jeudi 1er février 2007

A chacun sa place

Vu dans Télé 7 jours. Page de gauche, la rubrique people de Bernard Montiel : papier glacé, people un peu pompette, des "awards" (faites comme Montiel, prononcez "Howard") comme s'il en pleuvait. Page de droite, sur du papier chiotte, la rubrique Lidl, celle qui vous concerne : dés de jambon à 0.85€, 5 saucisses à cuire (au cas où il vous viendrait à l'idée de les manger crues) et, pour les faire passer, du vin de pays Comté Tolosan moëlleux 16% moins cher ! Rien ne vous empêche, toutefois, de coller votre photo sur la page de gauche.

Jeudi 1er février 2007

Gérer son temps

Lus dans l'Expansion de février, les conseils de Pierre Sahut et Bruno Ketterer, formateurs de profession. "Suivez votre horloge interne : de 10 heures à 15 heures, on est sur une pente descendante. C'est le temps des rendez-vous de routine, du courrier, du rangement ..." "Découvrez le relâchement par le non-faire." "Restez dix minutes assis sur une chaise à ne rien faire." " Tous les jours, se faire un petit plaisir." "S'obliger à faire une erreur ..." Et d'ajouter : "Pour les salariés du privé, naturellement, on continue avec l'horloge externe."

Mercredi 31 janvier 2007

Banco Jean-Louis !

Le recul de Ségolène Royal dans les sondages est "normal, naturel, prévisible et pas dramatique », estime Jean-Louis Bianco, directeur de campagne (profonde, la campagne) de Ségolène. Ne sous-estimerait-il pas un peu la gravitude de ce recul ?

Dimanche 28 janvier 2007

Décaper Ségolène

Chaque année à la même époque, ma femme fait le même cauchemar : une partie de la maison doit être repeinte, retapée, rénovée, refaite, bref, tout ce que vous voudrez sauf rester en l’état actuel. Le cauchemar, bien sûr, c’est pour moi, le baudet de maçon, et dans une moindre mesure pour mon dernier fils qui, s’il ne participe pas à la rénovation, désapprouve le désordre ambiant qu’elle suscite. Les enfants modernes sont si sensibles ! Cette année, c’est le couloir du fond. Ça n’a l’air de rien un couloir, mais ceux qui s’y sont frottés le savent bien, il n’y a rien de plus traître qu’un couloir, surtout un couloir du fond où par définition on met rarement les pieds. Les pieds peut-être, mais quand il s’agit de le rénover, vous y êtes jusqu’au cou. Poncer, décaper, enduire, peindre en équilibre instable, dévisser des vis rouillées, tomber à court de matériel, le film d’horreur classique dont on se demande qui en ressortira vivant. C’est au cours de cette rénovation, pendant une période d’accalmie où l’esprit vagabonde, que s’est imposée à moi l’idée qu’il fallait décaper les candidats à l’élection présidentielle. Prenez Ségolène : à première vue, c’est du beau placard. Belles ferrures, couleurs à la mode, vernie comme il faut, il faut être chien pour ne pas s’en contenter. Eh bien, pas moi ! Je la décape, Ségolène, je lui retire son vernis et toutes les couches successives qui se font jour pour peu qu’on gratte un peu, je l’apprête en quelque sorte pour le grand nettoyage de printemps. D’abord le vernis. Peindre dessus, c’est risqué, surtout qu’il s’écaille par endroit. Parlez-lui d’impôt sur la fortune et l’armure se fissure. On ôte le vernis. La couche d’autoritarisme, j’hésite. Sur un bois de militaire ça n’est pas trop gênant, et c’est une couche ancienne qui peut servir par gros temps. On laisse. Le durcisseur ENA, en revanche, on décape. Trop rigide et inadapté dans nos régions où le bois joue beaucoup. C’est beau, je sais, ça fait de l’effet, mais ce n’est plus tendance. La tendance, c’est le bois brut. Le gros travail, sur un placard qui est destiné à revenir sur le devant de la scène, c’est la marqueterie socialiste, un matériau en trompe-l’œil qui séduit au premier abord, mais vieillit mal. Trop d'enluminures, trop de boursouflures ... On retire tout ça et à la place, je verrais bien du bois vert, une bonne volée si possible. Demain, si vous en êtes d’accord, on s’occupera de son vis-à-vis, le grand abatteur de bois. Là aussi, y a du travail !

Dimanche 28 janvier 2007

Douche Royale

Qu’y a-t-il de plus exaspérant qu’un rideau de douche mouillé qui refuse de se soumettre à la loi de la gravité ? Un chercheur poitevin vient de trouver la parade à ce fléau qui frappe plus d’un français sur deux. Le procédé est ingénieux : on remplace le rideau en question par un champ magnétique biologique dans lequel sont injectées de minuscules gouttelettes d’huile. L’huile, par nature hydrophobe, repousse l’eau à l’intérieur de la douche. Plus fort encore : le simple fait de traverser le champ magnétique sèche le corps instantanément. On n’arrête pas le progrès. Seul effet secondaire sans « gravitude » constaté chez certaines poitevines : le champ magnétique perturberait très légèrement le flux de la pensée, avec des bouffées délirantes conduisant la douchée à se prendre soit pour Blanche-Neige (pour corriger le nain), soit pour la Sainte Vierge (pour materner le peuple). Commercialisation prévue en mai prochain

La campagne d'Aplhabet (arrivage du jour)

Cette année, pour changer, j'ai pris mes vacances sur le littéral. Je suis parti à pied de la lettre, et j’y ai fait de drôles de rencontres. Bienvenue au littéral !


Samedi 27 janvier 2007

Partial Kahn

A dit Kahn : "Ce qui m'a choqué, c'est que Condoleeza Rice aille à Beyrouth, deux heures : elle ne consacre pas dix secondes à aller voir ne serait-ce qu'un immeuble écroulé, un réfugié... Pas dix secondes !". Je ne conteste pas le discours, mais les deux photographies qui l'accompagnent, dont on suppose qu'elles ont été choisies avec soin: un Kahn souriant, une Condoleeza qui montre les dents. Le gentil français, la méchante américaine.

A Dieu l'Abbé

A Dieu l'Abbé

Vendredi 26 janvier 2007

J'ai cherché des poux dans la tête de l'Abbé, pour nager à contre-courant de l'émotion populaire. Rien trouvé. Son péché de chair ? Il l'a avoué, personne ne l'y obligeait et, de vous à moi, est-ce un un péché pour un homme d'aimer une femme ? Il est mort pauvre. "Bienheureux les pauvres, car le Royaume de Dieu leur appartient". C'est pourquoi les prétendants au trône de France n'ont pas l'intention de changer l'ordre des choses. Que leur faut-il de plus aux pauvres, si un royaume les attend ?

Mercredi 24 janvier 2007

Bruno Rebelle

L'Intérieur s'intéresserait à ce collaborateur de Ségolène. Pas étonnant, avec un nom pareil. La Paix Verte soit avec lui.
Publié par Inédits @ Commentaires

Mercredi 24 janvier 2007

Des sous pour les postiers

Constat : La Poste fait des bénéfices. Conclusion des syndicats : augmentons le salaire des Postiers qui le méritent bien. Et en cas de perte, baissera-t-on leur salaire ? Question idiote : un entreprise publique fixe les prix qu’elle veut, en général à un niveau suffisant pour dégager des bénéfices, quelle que soit la valeur ajoutée de ses agents. Comme les assureurs et les sociétés privées en situation de quasi-monopole. Les bénéfices de La Poste sont comme ceux du fisc : programmés à l’avance et virtuels. Amusants, ces Postiers qui ne retiennent du libéralisme que cette partie qui les arrange. Si on parlait "retraites" ?

Mercredi 24 janvier 2007

Les roses du ciel

Les roses du ciel

"Nous voulons que la campagne permette de décrocher des roses du ciel, et si ce n'est pas possible nous les décrocherons nous-mêmes", a expliqué François Hollande. Et d'ajouter : "Comme d'hab, les pétales pour moi, les épines pour vous".

Mercredi 24 janvier 2007

Le « çondage » du jour

57% des Français soutiennent la hausse des impôts pour ceux qui gagnent plus de 4000 euros par mois, selon une étude CSA pour France 3 et France Info. Les Français sont attachés à l'impôt sur le revenu (surtout ceux qui en sont dispensés).

Mardi 23 janvier 2007

Les forces vives de la nation

Récemment à la télévision, on parle de forces vives de la nation. Jacques Chirac. Intrigué, je lève les yeux de mon livre. On parle de moi, certainement. Ou des boulangers qui se lèvent à 4 heures du matin pour cuire notre pain, des infirmières de nuit, des salariés en horaire alterné, des ouvriers du bâtiment, des forçats de la distribution et de la restauration, des jeunes au chômage ... Rien de tout cela. Les forces vives de la nation, ce sont les syndicats à qui cet homme illustre présente ses voeux. Qualifier un syndicat de force vive, c'est comme traiter une flaque d'eau de torrent. Quand il visitera les chutes du Niagara, il dira quoi, frère Jacques ?

Lundi 22 janvier 2007

Le Politichien

Le politichien, animal politique de compagnie, existe en plusieurs espèces dont, à titre d’exemple : le serkiki, animal d’attaque très apprécié dans le domaine de la sécurité; le piquepain, bel animal de salon à long poil; le tourtemoisie, connu pour sa frange et son opportunisme ; la Séloyale Golène, insoumise mais tellement attachante ; et bien d’autres à découvrir dans le premier roman humoristique de politique fictionnelle que nous livre Pierre-Marie Windal, l’auteur de « Dieu n’aime pas les fonctionnaires ».

Interview de l'auteur

Inédits : Pourquoi ce livre, « Les 101 Politichiens » ? L'auteur : C’est la saison de la chasse. Inédits : Chasseur ? L'auteur : De têtes. Sachant que les politiciens se comportent souvent comme des enfants, de la bouche desquels, c’est connu, sort la vérité, je me pose cette question essentielle : peut-on croire un politicien ? Inédits : Et … L'auteur : La réponse est dans le livre. Inédits : La réponse est dans son livre.


Passez au salon ...

... du livre de Paris, du 23 au 27 mars, chez mon éditeur, Le Léopard Masqué. Je vous dédicacerai mes livres, ou sinon, je vous indiquerai où se trouve le stand de votre auteur préféré.

Théorie du blog

L'espèce humaine comprend deux sous-espèces : les gens qui parlent et ceux qui les écoutent. Ceux qui parlent, d'eux le plus souvent, de leurs vacances, de leurs problèmes, n'éprouvent pas le soir venu le besoin de s'exprimer. Ils ont dépensé tellement d'énergie à parler qu'ils sont contents de se retrouver seuls chez eux devant leur miroir ou leur télévision. Les autres, ceux qui écoutent, éprouvent soudain le besoin de s'épancher. Comme ce sont des gens modestes qui n'ont pas la prétention de croire que leurs vacances intéressent le voisin, ils se confient à leur blog. C'est pratique et ça ne gêne personne. La blogosphère c'est tellement plein que c'est comme si c'était vide.

Sarko ... Ségo ...

J'aime, je déteste. C'est pas vrai, je plaisante, s'il vous plaît, ne partez pas ...

L'historiette de la semaine

COUPE-FAIM. Un jour, croisant le malheur d’autrui sous un pont, je fus hélé par une forme gisant dans l’ombre. « Par pitié », me dit-elle, « j’ai faim. » J’avais moi aussi une petite faim et pressai le pas vers un aimable restaurant où l’on servait de somptueux petits déjeuners. L’ombre poursuivit. - Je n’ai rien mangé depuis trois jours. J’avais dans ma poche de quoi nourrir une seule personne et non point deux, ou foin alors de somptueux repas. Cette perspective me rendait fort chagrin mais je ne pouvais me résoudre à laisser ce pauvre hère mourir de faim. - Par pitié … N’écoutant que ma conscience, je sortis mon calepin de ma poche et lui fis don de ma dernière historiette de port. Comme il n’était pas bien gros, une seule page suffit.

Gordon Zola

San Antonio est mort, vive Gordon Zola ! Un auteur à découvrir pour sa verve et son imagination, l'homme qui calemboure plus vite que sa plume. A consommer sans modération. Googlez-le, vite !

Viré

Je viens de me faire virer par un gros client. Rien de personnel bien sûr. Restructuration, externalisation. Pas d'explication, je l'ai appris presque par hasard. Manque de surface financière, trop petit, pas pérenne ... Ce client paiera deux fois plus cher pour le même service, mais quand on aime (la sécurité), on ne compte pas. On a beau s'y attendre, personne n'aime se faire virer.

Je hais les libraires

Pour un écrivain, les librairies c'est l'enfer. Des milliers de livres tous mieux mis en valeur que les siens. C'est comme passer un entretien d'embauche dans une salle d'attente où patienteraient dix mille postulants. C'est promis, demain j'écris un bestseller.

Une petite dernière, pour la route ?

ANIMA. Au début, tout est normal. Puis, imperceptiblement, le visage de mon interlocuteur se déforme : ses oreilles s'allongent, son nez s'aplatit, des poils lui poussent de partout. Si la discussion se prolonge, c'est d'un véritable animal que je prends congé. Je n'en ai jamais parlé à personne de peur de passer pour un fou. Ce n'est que des années plus tard, au hasard d'une lecture sur la réincarnation, que la clé de l'énigme m'a été révélée. Certaines personnes, c'est comme ça, seraient à même de percevoir sous l'enveloppe humaine des traces de vies antérieures. Chacun de nous est passé par le stade animal, et l'animal que nous étions est le miroir de notre personnalité d'homme. Cette lecture m'a rassuré, mais tout de même, c'est fou ce que j'ai pu voir comme ânes, dernièrement !